Année roumaine. A la façon de son compatriote Karscu Alin qui souffle la politesse aux spécialistes de Barcelone, Cristian Boros est devenu le «Hambourg Man 2021» du MCGC. Il vient de remporter Hambourg MCGC 2020, le Barcelone des amateurs colombophiles du centre France. Après avoir marqué l’édition 2019  de son sceau, mais sans pouvoir l’emporter, il récolte enfin cette année la palme de cette vraie édition pour les durs. Une épreuve comme il en rêve.

Un fanatique

En colombophilie, on a de tout, des pépères, des motivés, des acharnés. Cristian, lui est de la catégorie au-dessus, un vrai fanatique. Il faudrait demander à la jolie Claudia s’il n’arrive pas à crier  «Hambourg» certaines nuits d’agitation. 2019 l’avait déjà un peu détendu, il avait pu engager ses voiliers sur cette étape tant convoyée, et il n’avait pas été déçu : 1054 km, un seul pigeon au-dessus de 80 mpm. Il y avait fait une rentrée remarquée, avec 4 voiliers dans le top 10, et 6 prix de 9 engagés, avec les places suivantes : 3, 5, 6, 10, 18, 25.

126597/2017

Sur l’édition de Hambourg 2020, aucun pigeon n’a réussi à dépasser les 800 mpm, pas même la première tombée de Cristian qui va décrocher l’or tant espéré. C’est à 14h 14’ 58’’ le lendemain (et oui, ce ne fut pas une sinécure) que la 126597/2017 de Cristian fait sonner le constateur pour surpasser tout le contingent. Ça y est, il la tient sa victoire sur Hambourg ! Bon, vous vous direz que ce n’est pas Barcelone, avec un contingent de 186 pigeons, forcément, ça présente moins bien. Je rabâche, mais, pour arriver, il faut quand même faire plus de 1 000 km de vent de face, pour se répartir dans un rayon large comme la France sur une profondeur d’un tiers du territoire métropolitain, tout ça depuis le nord de l’Allemagne dotée d’un petit contingent où l’effet peloton ne peut exister. Gagner ceci n’a rien à voir avec la chance ou le hasard. D’ailleurs, notre vainqueure 2020 n’est pas une inconnue. Malgré son jeune âge (3 ans), elle a déjà gagné sa croûte et jouit déjà d’un joli palmarès : en plus de sa victoire sur Hambourg à 2 ans, elle est passée près de l’exploit sur Osnabrück UCML (913 km) en empochant la 4^ème place du contingent. Sur Wissembourg UCML 2020 (722 km pour Cristian), elle remporte le 22^ème prix, ce qui lui permet de devenir 1^er As pigeon Osnabrück 2 ans (2019-2020). Elle rafle aussi la 32^ème place sur Assen 2019 (861 km). Autant dire, que ce n’est pas du pigeon pour peupler les bords d’églises, on la retrouve dans les avant-postes à chaque fois. Notez aussi que, tardive de 2017, elle avait vu les paniers s’ouvrir depuis Assen en 2018.  Il faut dire que notre ami ne verse pas trop dans le sentimentalisme « béa » et tenir n’est pas donné à toutes les plumes. S’il pouvait faire 3 Hambourg avec les yearlings, il serait bien capable d’en demander un quatrième.

Made in Romania

Il est partisan en effet de pousser la sélection dès le début, comme il a pu voir les choses se faire dans sa Roumanie natale. Ses essais de poussage de mécaniques précoces lui ont permis d’observer que ceux qui tenaient le coup de ce régime étaient plutôt issus de colonies qui pratiquaient les choses de cette façon. A côté, les acquisitions au sein de colonies championnes qui donnaient plus le temps à leurs pigeons de se construire avant de monter « à la distance » ne pouvaient, indépendamment de la qualité des voiliers, pas encaisser ce rythme. Ça semble logique. C’est aussi instructif quand on fait des acquisitions, de rester à investir dans ce qui est en concordance avec ce qui correspond à notre façon de faire. Ceci pour éviter des écueils voir des reproches à des amateurs qui ont été honnêtes avec vous malgré vos déconvenues.

A ce jeu de forçage de jeunes bielles, il s’est avéré que les introductions venues de Roumanie se sont bien comportées. Un couple notamment sort maintenant du lot, et semble voué à marquer l’avenir de la colonie. Il s’agit bien entendu des parents de la 126597/2017. Il s’agit du mâle RO 514028/2014 baptisé « BOSS de BOSS » acquis au colombier Iliescu et Canciu, très bon joueur marathon en Roumanie. La « 120 », une magnifique écaillée, mère de la 597 de 2017 est, elle, porteuse de la bague RO 755120/2015. Fille d’une femelle ayant été, à 2 ans déjà primée sur des courses de 902 km, 1 152 km et 1 232 km, elle aussi a été acquise au réputé colombier Iliescu et Canciu.

La colonie

Des pigeons issus de ces deux pigeons commencent à bien se comporter, la souche commence à se construire. En parallèle, le colombier de reproduction (13 couples) est composé d’une dizaine de pigeons roumains, ainsi que d’autres venus des colombiers de René Landais, Patrick Métayer, et Ben Roodbeen (NL), ainsi que des J. Jellema via Claude Jouannic, précieuse cheville ouvrière du club local et du MCGC. Les Joël Choteau ont aussi fait leurs premiers jeunes, et des échanges ont été réalisés avec Joël, qui n’est, en parallèle, pas avare en conseils pour aider Cristian à mener son équipe au mieux. Cristian considère d’ailleurs comme un véritable honneur de pouvoir faire ainsi des échanges avec son mentor ; il faut dire que l’ami Joël n’est pas le premier venu en marathons ailés. L’esprit marathon, comme nous l’avions souhaité depuis le début. Des pigeons de l’ami Erwan Chassain volent aussi avec succès ici, dont le 1^er d’Osnabrück 2017 qui est un direct, ainsi que le 095072/16 2^ème As Hambourg 2 ans (2019-2020), lui aussi direct de chez Erwan (origine Matha van Geel).

Les reproducteurs, sont aidés par les voyageurs pour fournir les jeunes, au nombre de 80 pour 2020. Ils seront entrainés avec des copains jusque 50 km environ. L’équipe d’une soixantaine de voyageurs, est jouée au veuvage total. Elle est composée de 22 « deux ans et plus » cette année, accompagnés d’une petite quarantaine de yearlings.

Préparation

Cette année, après quelques entraînements à 40 km, les voiliers ont fait 4 courses « club » jusqu’à 250 km. Une semaine avant Osnabrück, rapatrié sur Wissembourg, les pigeons ont pu faire un 380 km. Dès qu’ils ont pu avoir une dizaine de jours de repos suite à Wissembourg, Cristian a baladé un maximum ses voiliers pour les mettre «sur l’aile» pour Hambourg. Ils sont sortis une grosse dizaine de fois. Pour être au top, il a pensé faire un entraînement quasi nocturne à 35 km la veille de l’enlogement. Des fois, comme ça, on a des idées de génie, mais bon là, ça n’a pas été le cas spécialement… Seul un mâle a pu dormir à l’abri, justement celui de la belle 597/17. Les autres femelles ont attendu en vain leur concubin. En termes de préparation avant une telle épreuve, on peut mieux faire. Ces messieurs sont rentrés le lendemain matin pour la plupart. Un mâle a même eu la bonne idée d’arriver juste au moment du départ de Cristian pour l’enlogement. Le temps de boire un coup (pour le pigeon) et ce fut la mise en panier. Là aussi, ce ne fut pas une idée de génie, même si ce brave voilier est rentré, il ne figure pas dans les prix. Comme je vous le disais, on n’est pas ici chez un poète, il faut savoir bosser raide pour garder un casier. Certains tiennent, c’est donc jouable.

En début de saison, la date d’accouplement est calée sur la date du dernier concours, Hambourg en l’occurrence. Le but est de ne pas garder les pigeons plus de 10 semaines au veuvage suite au sevrage des jeunes qu’ils ont à élever en entame de saison. Ceci nous pousse donc, pour la saison 2020 à une mise au veuvage le 10 mai, ce qui est revenu à accoupler les voiliers au 20 mars. Pour éviter la re-ponte tant redoutée, qui pourrait avancer la mue ensuite, en fin de nourrissage, les femelles étaient séparées et ramenées au casier pendant la volée des mâles. L’élevage de début de saison motive les pigeons pour leur case, notamment les yearlings. En fin de saison, les méritants voiliers encore présents ont le droit d’élever deux tours (4 jeunes) comme récompense. Et vous qui pensiez en demander trop à vos oiseaux...

Paco

Cette année, Cristian n’a pas pu faire comme il voulait pour motiver ses oiseaux. Vous me direz, il a déjà pas mal fait avec le coup de panier de la veille de l’enlogement. Mais bon. Il sait à quel point la motivation sera primordiale pour réaliser un prix de tête. Ceci lui a été confirmé par deux essais fructueux (Assen 2018 et Nijkerk CLM 2019) de mise en «tension» de 2 femelles. Chacune est avant mise sur un jeune, et peu avant l’enlogement, elles vont être mises sur le même nid. S’en suivra une réelle compétition entre les 2 femelles, dont l’instinct maternel sera exacerbé, ce qui apportera un « plus » indéniable pour le trajet retour.Cette année, Paco, par sa mésaventure, a tellement monopolisé notre ami qu’il n’a pas été disponible comme il l’aurait voulu pour préparer au mieux ses voiliers. Ah oui, qui est ce Paco à même de temps émouvoir Cristian, parce que, comme ça, il n’a pas l’air de faire dans la sensiblerie l’ami Mihaï (ça rimait bien son deuxième prénom). Paco est LE petit chien de Cristian, celui-là même qui a fait des rayures sur le mollet de Thibaut Enguerrand lors de notre visite (arrosée) de colombier. Cette terreur des mollets de couloneux ch’ti a tenté de faire pareil à une vipère juste avant Hambourg, mais la vipère a gagné. Paco en a pris des pleins carreaux et il a fallu le porter chez le vétérinaire, assez souvent au moment fatidique de la préparation. Préoccupé par le devenir de son chien de garde adoré, qui est son principal supporter lors des arrivées de pigeons, Cristian n’a pu être à 100 % dans sa préparation, ce qui ne l’a pas empêché d’inscrire Hambourg à son tableau de chasse déjà bien fourni.

En parallèle, s’il leur demande beaucoup, Cristian fait tout ce qu’il pense de mieux pour préparer ses pigeons. Il est même toujours à se demander s’il n’a pas commis une erreur. Si ça ne va pas, il ne va pas reprocher aux pigeons de ne pas faire le maximum, car il sait qu’ils le font. Il n’est pas non plus du genre à allumer les responsables du lâcher. Si ça ne va pas, il va par contre se remettre en question pour trouver l’erreur que lui a faite. Je serai tenté de dire «plus dur, mais plus juste» que la plupart d’entre nous.  

Soins

Les deux premiers jours du retour, les pigeons sont au mélange dépuratif. Dans l’eau, on retrouve des électrolytes avec du glucose et un hépato-protecteur.

Les jours suivants, le mélange sera maintenu «léger», composé de sport ou de «4 saisons», additionné  de diète ou de dépuratif. Tout dépend de la façon dont il va sentir ses protégés. Ainsi il ne peut suivre de programme précis, l’alimentation sera adaptée à ce qu’il va penser être le mieux, avec toujours sa peur de faire une ânerie.

Les 2 ou 3 derniers jours, le mélange est composé de sport, additionné de mélange «energy», de cacahouètes et de maïs pour charger les valises. Sur le grain sera mis du «Protein K+K», du «Protein 3000» de chez Rohnfried, alors que l’abreuvoir verra du «Euro 200» (Rohnfried) ajouté à l’eau de boisson. Ces produits peuvent aussi être donnés en comprimés, ce qui n’a pas eu lieu cette année. Cristian pense que c’est dû probablement à la sélection qui avance, faisant que ceux qui en auraient eu besoin ne sont plus là. Ceci renforce sa conviction qu’il faut continuer à sélectionner dur pour arriver à se constituer une souche de pigeons endurants, aptes à lui faire plaisir sur ces courses marathons qu’il affectionne tant.

Côté traitements, la saison commence dès la fin de la mue, avec 14 jours de traitement contre le paratyphus, suivi, 3 à 4 jours après par le vaccin correspondant.  S’en suivra un série de traitements pour tout ce qui peut sembler à même de nettoyer totalement ses voiliers : trichomonose, vers, coccidiose et voies respiratoires. Pour chaque maladie sera engagé une semaine de traitement, sauf les vers contre lesquels le traitement sera de 2 jours. Pendant cette période dangereuse pour tout ce qui pourrait porter atteinte à la santé des pigeons de Cristian,  vitamines et probiotiques sont au programme. Quand les pigeons sont «propres», ils seront vaccinés contre le PMV (vaccin obligatoire).

En saison, ils seront traités 2 jours toutes le 3 semaines en alternance contre la trichomonose et les voies respiratoires. La coccidiose sera traitée à nouveau une fois juste après Osnabrück.

Mentalité

Il ne faut pas se tromper sur le fond de pensée de l’ami Cristian Mihaï Boros. Il parait parfois un peu rugueux, un peu vif, avec son empressement à demander toujours plus de Hambourg (3 par saisons lui irait bien). Cependant, quand on perce la première «impression de loin», on rencontre un passionné militant, qui fait énormément progresser son secteur de jeu grâce à son entrain communicatif. Il ronge un poil son frein, car difficile pour nous de pouvoir lui donner entière satisfaction. Il sait pourtant se montrer plus patient maintenant et toujours prêt à fournir des efforts pour faire avancer les choses. Il nous pousse aussi sur nos limites quant à ce qu’on pense au maximum possible. Lui, sans peur de perdre des oiseaux, quitte à repartir à zéro, sans peur de ce que les autres penseront de son classement, fait ce qu’il pense pouvoir le faire avancer plus fort que la concurrence, et ça lui réussit plutôt bien.

Il est un moteur toujours en ordre de marche pour progresser. Heureux de sa victoire sur Hambourg, c’est sûr qu’il l’est, ce n’est qu’amplement mérité. Pourtant, ce qui lui plait plus encore, c’est déjà de pouvoir le faire, autant que possible. Gagner c’est bien, mais ce qu’il veut, c’est jouer un maximum pour sélectionner et se faire plaisir.

C’est un réel plaisir que de voir un tel amateur, qui a tant répété ce nom de «Hambourg» tenir dans ses mains le trophée récompensant une si belle victoire. Comme il doit depuis un bon moment déjà penser au Hambourg 2021, nous ne pouvons que le féliciter et lui souhaiter, en compagnie de Claudia et de Paco, de magnifiques émotions pour les éditions futures. Bravo Cristian, bons vents.

David Chassagne, Décembre 2020